Il faut leur donner ça

Consécration ultime: le film que j’ai co-écrit, À vos marques, party!, se fait royalement planter sur le site The Sisterhood of the Traveling Apostrophe. Il faut leur donner ça: les auteurs de ce blogue collectif ont la « switch à bitch » parfois rigolotte. C’est juste qu’on rit un peu plus jaune quand on est concerné, bien sûr!

Ce qui m’épate c’est que ces « critiques » sont faites à partir du simple teaser, avant même que la véritable bande-annonce ait été diffusée (elle ne devrait pas tarder à venir, d’ailleurs). J’avais fait face au même phénomène sur le Web à propos du scénario de « Mafiaboy »: quand on avait parlé du projet de long-métrage dans les journaux, des gens disaient littéralement que le film était mauvais et qu’il n’aurait jamais dû voir le jour alors qu’il n’était même pas tourné! C’est comme si on était convaincu que tout film québécois sera nécessairement décevant et qu’on veut avoir la fierté d’avoir été le premier à le planter publiquement.

En même temps, je me plais à dire que le travail de la critique n’est pas facile au Québec! Ah, liberté d’expression, joie du bitchage… La frontière est parfois mince entre ces plaisirs bien humains.

Bloguer: se diluer par l’écrit?

En février prochain, ça va faire 5 ans que j’écris sur ce blogue, à raison de plusieurs billets par semaine. La fréquence de mes écrits sur ni.vu.ni.connu et ma motivation à mettre ce blogue à jour vont par vague et ces jours-ci, je semble toucher un creu. Je ne m’en inquiète pas outre mesure; je sais que c’est arrivé par le passé et que c’est généralement de courte durée. Je suis bien consciente aussi que le projet professionnel sur lequel je travaille actuellement me préoccupe et me demande beaucoup d’énergie mentale. Disons que ça me coupe un peu l’inspiration pour tout le reste.

Je ne me suis jamais donné de but précis pour ni.vu.ni.connu. Je n’ai pas voulu m’imposer de thème, même si les blogues spécialisés semblent avoir plus de succès que ceux qui parlent d’une multitude de sujets. Je n’ai pas non plus voulu m’imposer un rythme de publication. La seule règle que je me donne, c’est d’écrire quand j’en ai envie. Si jamais le blogue devient une tâche plutôt qu’un plaisir, j’arrête.

L’exercice a débuté pour moi en tant que simple expérience en 2002, alors qu’on m’avait demandé d’écrire un article sur les blogues et que je voulais tester les outils disponibles. J’y ai pris goût rapidement, surtout pour la liberté d’écriture et la rapidité du feedback qui faisaient grandement contraste avec ce que je vivais dans ma carrière de pigiste. Même si ces plaisirs sont toujours là, je me questionne parfois sur les raisons profondes qui font que je continue encore après toutes ces années, sans intention véritable d’arrêter. Ce n’est pas un questionnement lourd qui m’obsède au quotidien, mais plutôt des questions qui flottent dans l’air et que j’attrape au passage, une fois de temps en temps.

Plusieurs personnes bloguent soit parce qu’elles ont envie d’intégrer l’écriture dans leur vie ou soit parce que l’écriture fait déjà partie de leur quotidien ou de leur travail. Plusieurs blogueurs d’expérience ont fait le calcul des mots dans leurs billets au cours des années et ont constaté que s’ils y avaient consacré la même énergie, le roman ou le scénario dont ils rêvent serait déjà écrit (et révisé plusieurs fois). Transformer ses billets en livre alors? Pas évident. La vraie nature du blogue – celui qui fait état non seulement du quotidien de son auteur mais qui partage aussi ses impressions de navigation sur le Web en offrant des hyperliens (d’où l’expression web log – c’est à dire carnet de bord du Web) – est du domaine de l’éphémère et supporte mal l’impression sur papier.

Alors qu’est-ce que le blogue, tout éphémère et spontané qu’il est, apporte véritablement à ceux qui ont des ambitions littéraires et artistiques? Réchauffe-t-il vraiment leurs muscles d’écrivain ou bien leur permet-il plutôt de remettre l’essentiel à plus tard?

La beauté du Web, c’est qu’on peut facilement y trouver des gens qui ont les mêmes questionnements que nous et qu’au lieu d’avoir à faire tout le processus de réflexion, on peut simplement pointer vers le travail des autres! Beth du blogue Cassandra pages est une auteure et blogueuse américaine installée depuis quelques années à Montréal. Elle vient de publier, en anglais, son cheminement personnel face à ces mêmes questions. Je me permets de reproduire un paragraphe de son dernier billet, ci-dessous, mais je vous invite à lire les trois billets qu’elle a consacrés au sujet. Son écriture est superbe et ses réflexions sont toujours profondes. Belle plume, belle personne. (Beth est aussi une amie.)

Blogging reminds me of being young, when I felt like I had all the time in the world and could therefore pursue every path in the forest, picking up every shiny object that attracted my attention. Blogging encourages that, and rewards it. I used to play the piano and the flute and sew and knit and paint and do calligraphy and make handmade books and garden and cook. It was only when I turned forty that I decided that time was up, and I had better focus on something if I wanted to end up with a body of work in any medium — which was, at the time, how I expressed the need I felt. Now I see that the process of writing creates a person, and that this is more valuable than a growing pile of manuscripts or even published works – but that is a spiritual topic best explored some other time. Nevertheless, choosing a craft and deciding to try to work on it, not to the total exclusion of the others, but with real focus, has been worth it for me. And while blogging has been an important part of that process, these persistent recent questions in my head have led me to wonder if blogging has become, for me, a way to divert myself within the medium of writing, much as I used to with all those other creative pursuits.

Fins finauds

C’est petit le Québec, petit en terme de population.

C’est encore plus petit quand on se concentre sur le milieu culturel où tout le monde semble se connaître et où tout le monde aura à se croiser un jour. Ça rend le travail des critiques drôlement difficile, d’autant plus que, vestige du catholicisme, les québécois ont érigé l’art d’être « fin » (ou très très gentil) en vertu. Comme le dit si bien Steve Proulx, sur son blogue chez Voir:

« Cela fait un petit bout de temps que je fais du culturel et, je dois le dire, je commence à compatir avec mes compatriotes. La critique au Québec, hormis quelques rares exceptions, est profondément molle, complaisante. […] Comment fait-on pour y aller d’une véritable critique quand l’interviewé est fin comme un Guy A. Lepage? Et si on risque tout de même une critique un peu acide, comment fait-on par la suite pour ne pas feeler cheap lorsqu’on recroise l’artiste fin qu’on a descendu? »

Comme je le disais, ça rend le travail des critiques drôlement difficile.

Celui des blogueurs/scénaristes aussi, parfois.