8 ans

Cette semaine marque le 8ième anniversaire de mon blogue. Les anniversaires se suivent et se ressemblent – surtout que je suis moins active sur ni vu ni connu depuis 3 ans – mais ce 8ième aura tout de même eu la chance d’être souligné de façon spéciale: je serai ce soir (21h00) de passage à l’émission Bazzo.tv et j’aurais le luxe de me faire souhaiter un joyeux bloganniversaire par Marie-France Bazzo et ses collaborateurs. Sympa comme party de fête!

L’ironie dans tout ça? J’étais invitée à l’émission non pas pour parler de blogues mais pour discuter des réseaux sociaux! Ah, ces fichus réseaux, quelle plaie! Tout était tellement mieux avant leur arrivée! C’est en soulignant cette tendance à accuser toute nouvelle technologie des pires maux que j’ai débuté mon intervention à l’émission. Ce qu’on reproche aux réseaux sociaux, on l’a reproché bien avant à la télévision, aux jeux vidéo, à Internet et, bien sûr, aux blogues: perte de contacts humains, inflation de l’ego, désensibilisation politique et sociale, perte de temps, superficialité, création de dépendances, etc… Plus ça change, plus c’est la même chose.

Ceci étant dit, je suis loin de croire que les réseaux sociaux sont parfaitement inoffensifs. Après 3 années d’investissement de temps et d’énergie à échanger sur Facebook et Twitter – et c’est sans compter Flickr, Vimeo, LinkedIn, Digg, Delicious et les autres – j’ai des réserves bien justifiées quant aux louanges que certains chantent vis à vis ces réseaux. Je prévoyais d’ailleurs prendre une approche plutôt critique dans ma participation à l’émission, mais nous savons tous ce qui arrive quand on se met à parler médias sociaux… La discussion tourne rapidement aux extrêmes et l’aspect « machine à gonfler l’ego » finit toujours par prendre l’avant-plan. C’était la même chose dans le temps où on causait blogue dans les médias traditionnels ou même dans les conférences plus spécialisées. Bref, à cause du tournant de la discussion et parce que je crois que les avantages des réseaux sociaux supplantent leurs aspects négatifs, je me suis retrouvée dans une position de défenseur des réseaux.

Enfin. On verra bien ce que ça va donner une fois la discussion montée et diffusée. L’ambiance était très sympathique et les échanges se déroulaient de manière amicale, sans véritable souci de provocation. J’ai toutefois l’impression que ceux d’entre vous qui êtes très familiers avec les réseaux sociaux vous mordrez les doigts… comme vous le faites à chaque fois qu’il est question du sujet dans les médias traditionnels! Bazzo.tv a un blogue où les téléspectateurs sont invités à intervenir. Je vous suggère donc d’aller y faire un tour et de vous exprimer sur le sujet si le coeur vous en dit.

La discussion devait se conclure sur une question double: qu’est-ce qui vous réjouit et qu’est-ce qui vous inquiète le plus? Comme nous n’avons pas eu l’occasion de nous rendre jusque là en ondes et puisque j’ai le luxe d’avoir un blogue ou je peux m’exprimer sans interruption et sans avoir à tout faire passer en 140 caractères, je me permets donc ici de répondre à ces deux questions. Ça me permet du même coup de faire un petit bilan de toutes ces années de blogue et de participation aux réseaux sociaux.

-Qu’est-ce qui vous réjouit?
Le fait que les réseaux sociaux contribuent à étendre notre cercle de contacts et « d’amis » et qu’ils nous permettent d’interagir de manière significative avec des gens à qui on n’aurait pas eu accès autrement.

La vie d’adulte se résume souvent à un travail de 9 à 5 (ou du moins un milieu de travail assez fermé) et à une vie sociale principalement concentrée autour de la famille et des amis qu’on connaît depuis longtemps. Pas facile de rencontrer de nouvelles personnes à l’extérieur de ce cercle! (Suffit d’en parler aux célibataires qui désespèrent qu’une nouvelle personne libre se pointe dans leur cercle de connaissances.) Pourquoi est-ce important de rencontrer du nouveau monde? Pour challenger nos opinions, pour nous exposer à d’autres goûts, d’autres passe-temps, d’autres cultures, pour avoir accès à un milieu professionnel à des lieux du nôtre, bref, pour nous brasser un peu dans notre confort et continuer à garder notre curiosité et notre envie d’apprendre en éveil, même quand nos années universitaires sont loin derrière nous.

-Qu’est-ce qui vous inquiète le plus?
Non, je n’ai pas peur de perdre ma liberté et d’abandonner mon droit à une vie privée. Je choisis librement ce que je partage, même si j’avoue que parfois, on peut être un peu naïf quant à l’étendue de cette liberté.
Il y a deux choses qui m’inquiètent cependant dans l’utilisation assidue dans mon quotidien des réseaux sociaux:

1. L’interruption constante de mon travail et la diminution de ma capacité de concentration.

Soyons bien clairs: c’est vrai aussi avec la radio, la télé, le téléphone et Internet en général. On donne bien à ces technologies la place qu’on veut leur donner. Mais l’aspect encore nouveau et excitant des réseaux sociaux fait qu’il m’est très difficile de m’en couper l’accès pendant la journée, d’autant plus que je suis travailleuse autonome et que ces réseaux brisent mon isolement. (Je travaille seule à la maison.)

Un réseau comme Twitter trouve son utilité et sa pertinence dans l’immédiateté. Rien de plus agaçant que de lire une réponse à un tweet que quelqu’un a envoyé il y a 2 heures! Le problème c’est que le flux d’information devient énorme à gérer. Je crains fortement que ces interruptions constantes de notre travail aient un impact lourd à long terme sur notre capacité à nous concentrer sur des tâches plus complexes. Certains spécialistes s’inquiètent même de l’impact de ce type de rythme de travail sur le développement de nos cerveaux. Suffit de faire une recherche sur Google concernant what the internet is doing to our brain pour tomber sur un nombre d’articles sérieux et inquiétants sur le sujet.

Perspective alarmiste? Est-ce simplement une question de générations? Difficile à dire pour l’instant, mais je sais que dans mes échanges avec mes amis qui passent tout autant de temps que moi sur les réseaux, il règne une certaine inquiétude quant à l’impact à long terme de cette habitude. Déjà, plusieurs d’entre nous avons entrepris de nous bloquer l’accès au Web à certains moments de la journée. J’ai un copain qui, depuis des années, s’isole en après-midi dans un café où il n’a pas accès à Internet. J’ai une copine qui a déclaré les mardis soirs « tech free » à la maison (incluant la radio et la télé). Elle fait de la lecture, de la cuisine, ou joue à des jeux de société. Je fais moi-même l’essai ces jours-ci d’une extension pour le fureteur Firefox appelée LeechBlock qui me coupe l’accès à Facebook et Twitter sur des périodes de temps que je peux contrôler… si on peut appeler ça avoir du contrôle!

La solution se trouvera aussi du côté du développement de meilleurs outils de filtrage qui nous permettront de mieux faire le tri de l’information qui nous concerne dans la surabondance d’échanges qui circulent ces jours-ci sur nos divers réseaux.

2. L’autre chose qui m’inquiète est aussi reliée au concept du manque de contrôle, bien que d’une autre nature. Les années que j’ai passées sur Twitter et sur Facebook m’ont amenée à produire et à partager une grande quantité de contenu. Une fois sur ces plateformes, ce contenu ne m’appartient plus et je n’en ai plus le contrôle. Comment retrouver un lien que j’avais publié sur Twitter il y a 2 ans? Comment archiver les courriels qu’on m’envoie sur Facebook et qui remplacent de plus en plus ceux envoyés à mon adresse de courriel régulière? Sur mon blogue, c’est moi qui ai le contrôle de mes archives. Je peux y retrouver facilement des infos vieilles de plusieurs années. Même chose avec mon courriel.

Pourquoi donner autant de contrôle à des corporations qui veulent s’imposer en portail de tous nos échanges sociaux sur le Web? Nous parlons de liberté d’expression, mais notre utilisation des réseaux sociaux se polarise maintenant vers un ou deux endroits. Comme l’exprime très bien ce commentateur suite à un article sur le réseautage social publié en janvier 2010 par The Economist:

Facebook and its kin are a completely different play. Their ambition is to leverage customer lock-in and network effects to become the central control point for all internet-based social contact. This monopolistic ambition puts them in the proud tradition of AT&T, IBM and Microsoft — and their astronomical valuations are based on this potential. That is not « democratization of technology » or the « socialization of the web », as you call it — that is business as usual.

With more of our social life moving online, I think its intolerable that there would be one or two firms essentially « owning » our interactions, our expression, our relationships. But I must admit that few of my own family and friends seem to share my concerns. As long as the beer is free, the « digital native » generation does not seem to care too much about its freedom of speech.

Vous voyez comme il est impossible de raconter tout ça à la télévision dans un segment de 12 minutes incluant 7 personnes?

En terminant, merci à ceux qui suivent encore ni vu ni connu. C’est toujours un grand plaisir de lire vos commentaires, même quand il est juste question de me faire un petit signe! Et ça me rassure sur le fait qu’il y a encore des gens qui ont le goût de lire au-delà des 140 caractères. ;-)

By Martine

Screenwriter / scénariste-conceptrice

29 comments

  1. Je ne suis pas là depuis 8 ans, mais j’y suis à chaque fois – sur un reader.

    Bon bloguiversaire et merci.

  2. Excellent, comme toujours. Félicitations pour ce 8 ans, bonne continuation et j’ai bien hâte de regarder bazzo.tv!

  3. Congratulations!

    And thanks for that quote from the Economist. That really sums up my concerns about Facebook (and my concerns about people who are not concerned about Facebook!).

  4. merci pour cette analyse bien documentée!
    en tant que travailleuse autonome je m’y reconnais et à titre de jeune blogueuse ( 1 an) aussi. Il est vrai que notre cercle » d’amis » s’élargit, que la concentration en prend un coup mais notre curiosité en est plus aiguisée!

    Bon 8 ème anniversaire!

  5. Huit ans… Wow. Après toutes ces années, c’est toujours avec un plaisir renouvelé que je lis chacun de tes nouveaux billets. Chapeau!

  6. Totalement d’accord avec chacun des mots de ce billet. Je partage les mêmes inquiétudes… J’ai moi aussi commencé à m’imposer des limites (même si ça ne paraît peut-être pas tant que ça! lol). Je viens d’attraper la fin de la discussion à Bazzo.tv et j’ai très hâte de la voir en entier! Tu étais très pertinente, encore une fois. Joyeux bloguiversaire!

  7. Toujours pertinente ma chère Martine.
    J’ai les mêmes inquiétudes sur ma productivité avec Twitter et Facebook. Je déteste la boite de réception et les Direct messages de Twitter…Pas d’archivage.

    Tu as raison. Il vaut mieux publier sur son blogue. Ça nous appartient et on garde le contrôle…

    Pour travailler, dernièrement, j’ai trouvé la recette: bibliothèque municipale. Il y a un accès internet, mais je dois me lever et aller demander un code. Ce que je n’ai pas fait et ne ferais pas. C’est tout et ça marche pour moi.

    Ces outils, ces médias sociaux sont super quand on les utilise comme tout autre outil. À bon escient et selon ses besoins…

    Et bon anniversaire. Bravo de durer et d’avoir toujours une opinion intéressante :-)

  8. Joyeux anniversaire à ton blogue!

    8 ans c’est tout jeune me semble?
    J’aimais bien la blogosphère au temps où l’on défrichait plus souvent que l’on ne roulait sur l’autoroute. Je continue de préférer la blogosphère aux média sociaux.
    Des fois, ça va trop vite à mon goût sur les médias sociaux.

    Longue vie à NI.VU.NI.CONNU

  9. Bravo pour les 8 ans et pour avoir tenue le fort vaillament devant la propagation des mythes et lieux communs dans la discussion sur les médias sociaux chez Bazzo

  10. Un gros merci à vous tous qui avez pris le temps de me laisser un mot. Je suis contente que vous soyez encore là et ça donne le goût de continuer, même si ce doit être sur un horaire « à temps partiel ». ;)

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