Perdre la guerre de l’opinion publique

« Bons communicateurs — aucun doute là-dessus –, les artistes se révèlent de mauvais stratèges dans leur démarche de sensibilisation et de mobilisation, comme le démontre la réaction du public face aux envolées émotives souvent excessives de ceux et celles qui volent au secours de la culture.

La démarche n’obtient pas le soutien espéré de la population et elle peut même potentiellement nuire à la cause de la culture, dans la mesure où elle crée une confusion quant au bien-fondé des objectifs poursuivis. Les artistes eux-mêmes proposent une étiquette floue, au point où certains se demandent s’ils sont partie intégrante d’une démarche politique partisane. […]

Peut-être vaudrait-il mieux ramener le message sur les programmes abolis et ceux qui seront réduits. […] Bref, la stratégie à adopter doit s’inspirer de la réalité plutôt que de l’émotif. Cela éviterait les effets de toges, le spectaculaire et les déclarations à l’emporte-pièce qui font croire à la population que les artistes se parlent entre eux et se convainquent eux-mêmes. […] L’urgence n’empêche pas l’intelligence. »

Je vous suggère fortement la lecture de ce texte écrit par Michel Fréchette, communicateur-conseil et écrivain, publié dans Le Devoir d’aujourd’hui.

C’est ce que j’essayais de dire, en d’autres mots bien plus maladroits, dans mon billet précédent.

Bouder son plaisir

MISE À JOUR DU 21 SEPTEMBRE

À ceux qui arrivent du blogue de Patrick Lagacé
: Contrairement à ce que Patrick a écrit, je ne vois pas en cette vidéo “une attaque mal placée contre les Anglos.” Je ne crois pas que le but des créateurs de cette vidéo était d’attaquer les anglophones, non. Je suis consciente que pour les auteurs de la vidéo, les personnages du jury représentent des archétypes de la droite conservatrice. Je dis simplement qu’en insistant sur la différence linguistique, on met le focus sur le mauvais élément d’un point de vue stratégique. Comme le dit Jean-Paul Lafrance, politologue à l’UQAM, dans La Presse d’aujourd’hui: «Anonyme ou pas, le clip sème la confusion. Le message est ambigu. Ça joue sur la fibre nationaliste et, en même temps, ça dénonce les coupes du fédéral. Pourtant, les coupes du fédéral sont aussi vraies pour les francophones que pour les anglophones.»

Si vous prévoyez ajouter un commentaire sur mon blogue, je vous demanderais d’abord de lire le billet qui suit. Merci:

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Une vidéo intitulée Culture en péril a circulé un peu partout aujourd’hui dans les médias et sur la blogosphère québécoise.

J’ai ri.
Puis j’y ai repensé.
J’ai moins rigolé.

J’ai même été un peu découragée et je me suis prise dans un micro-débat sur un site de micro-blogging (Twitter, pour ceux qui connaissent) où j’ai éprouvé de macro-frustrations. Parce qu’on ne peut pas tout dire en 140 caractères. Et de toute évidence, on ne peut pas tout dire non plus dans une vidéo de 3 minutes, comme nous l’avons constaté aujourd’hui.

Je voulais écrire un billet pour clarifier ma position sur le sujet. Je suis d’abord allée du côté du blogue de Michel Dumais, j’ai suivi l’échange qu’on y retrouve et je me suis laissée emporter. Un long commentaire. Presque du kidnapping de blogue. Oups.

Au lieu d’écrire un nouveau billet pour mon blogue, j’ai décidé de reproduire ci-bas le commentaire que j’ai laissé chez Michel. Je vous encourage cependant à aller lire la discussion qui se déroule chez lui.

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Voici mon commentaire reproduit, mais légèrement modifié à des fins de clarté. J’ai commencé en réagissant aux propos d’un autre commentateur nommé PLR:

PLR a dit: « Je ne pense pas que les auteurs se cachent par peur de censure, les rumeurs vont bon train et les politiciens savent surement déjà qui « a fait le coup ». Je pense que les auteurs veulent s’assurer que leur nom et leur célébrité ne se trouvent pas sur le devant de la scène à la place du message. Ce n’est selon moi pas un acte de peur mais un acte d’humilité et d’intégrité. »

Humilité? Vous croyez sincèrement que c’est la raison première qui motive ce silence? Wow. J’aimerais avoir votre confiance en l’humanité. J’Å“uvre dans le domaine des arts et des médias, et de l’humilité, je n’en croise pas souvent. De l’intégrité? Oui, davantage. Mais intégrité implique habituellement une signature au bas de l’Å“uvre.

Il ne s’agit pas ici d’indiquer le nom d’une agence de communications. Dans une vidéo ou un court-métrage il y a les acteurs, oui. Mais il y a aussi un/une scénariste, un/une réalisateur/trice et un/une producteur/trice. Ces gens-là réclament habituellement haut et fort qu’on leur donne crédit pour leur collaboration à un film. Pourquoi sont-ils soudainement si heureux de s’effacer? Pourquoi les acteurs doivent-ils supporter tout le poids du risque? Et d’où viennent les sous?

La vidéo dont il est question est hilarante, bien écrite et très bien produite, avec d’excellents moyens techniques. J’ai vraiment rigolé en voyant Michel Rivard se « mettre » (ha ha!) encore davantage dans l’embarras en imitant un phoque avec ses deux mains qui claquent. Tordant!

Mais après le rire, que reste-t-il? Le message au fond, c’est quoi? Que la culture est menacée parce que les maudits anglos qui gèrent les programmes culturels ne comprennent pas bien le français? Parce qu’ils sont tous prudes et religieux et sautent aux conclusions trop rapidement?

Notre problème en est-il vraiment un de communication? Les coupures sont causées par la présence de deux solitudes? Vraiment?

La caricature est lourde et l’angle franco/anglo nous éloigne du cÅ“ur du problème selon moi: celui d’un gouvernement qui croit ne pas avoir à rendre de comptes et s’arrange pour tout faire en douce.

Je lis plusieurs blogues d’artistes et auteurs canadiens anglais et ils ne sont pas plus contents que bien d’entre nous du gouvernement actuel et de ses méthodes. Si le Québec n’était pas si fermé sur lui-même parfois, il saurait que ses artistes francophones n’ont pas le monopole de la défense du domaine culturel. Des scénaristes canadiens anglais bloguaient sur le sujet bien avant l’annonce des élections et bien avant la fameuse loi C-10 qui a d’ailleurs soulevé l’intérêt des gens d’ici un peu plus tard qu’au Canada anglais.

Ce sketch hilarant, c’est du matériel amusant digne d’un « Bye Bye ». Mais comme outil de persuasion, ça ne vaut pas grand chose. Lisez simplement les commentaires publiés sur Youtube et sur le blogue de Patrick Lagacé. Les anti-conservateurs applaudissent à tout rompre et les pro-conservateurs trouvent les artistes « chialeux ». Personne n’a bougé d’un iota sur son opinion d’origine. Personne n’a regardé cette vidéo en se disant: « ouin, c’est vrai dans le fond. Maintenant que j’ai vu ça, je ne vais peut-être pas voter pour Harper. » Non. Personne n’a bougé. Nous avons bien rigolé, puis les insultes (séparatistes! fédéralistes! artistes chialeux! fous furieux de droite!) ont repris de plus belle. Josée Verner ne va pas broncher. Monsieur Harper ne s’en trouvera pas dépeigné. Les conservateurs vont pouvoir encore argumenter qu’on simplifie le débat (s’ils se donnent même la peine de commenter). Ceux qui avaient prévu aller à la marche contre les coupures vont toujours y aller. Ceux qui prévoyaient rester chez eux vont y rester. Le débat n’a pas avancé et les artistes ne se sont pas vraiment fait entendre – ou comprendre – davantage. C’est ça qui m’attriste au fond.

Il nous reste juste une bonne rigolade à l’idée d’entendre le mot « suceux » dans la bouche d’un anglo. J’ai bien ri, comme les autres.

On me pardonnera tout de même de bouder un peu mon plaisir.

Les journalistes et chroniqueurs aujourd’hui ont été nombreux à s’empresser de dire à leurs lecteurs/auditeurs d’aller voir ce clip en rigolant et en disant que c’était génial. Leur manque de sens critique m’a étonnée. On avait l’impression d’une immense complicité: une connivence qui voulait créer un faux effet viral/Web autour d’un « lancement » qui, au fond, je m’en doute, avait été très bien orchestré. Certains d’entre eux ont même été jusqu’à dire qu’ils n’avaient pas voulu pousser pour savoir qui était à la base de cette vidéo. Pourquoi? Pour protéger des gens du milieu culturel? Ce n’est pas leur rôle. Mais c’est vrai que c’est un milieu bien, bien petit. Je suis même un peu nerveuse d’écrire tout ceci. Qui sait? Mon opinion si peu populaire aujourd’hui pourrait peut-être m’empêcher d’avoir quelques contrats dans le futur. Je comprends qu’on veuille s’éviter ce genre de problème. Qui a envie de mettre sa carrière en jeu?

Je suis d’accord avec monsieur Dumais. Si une vidéo pareille avait été produite par le camp adverse et qu’elle n’avait pas été signée par un réalisateur ou un producteur, ceux qui rient aujourd’hui crieraient au scandale. Imaginez si en plus on se moquait des Québécois en utilisant des clichés comme les sacres, les Speedos et la poutine! On demanderait des comptes. On insisterait pour avoir des noms.

J’ai entendu plusieurs fois aujourd’hui l’argument suivant: « Nos adversaires ne se privent pas d’utiliser l’exagération et la caricature, ben nous non plus ». Oh, allez! Un petit effort! Votre mère ne vous a pas appris quand vous étiez petit que la seule façon de vraiment gagner un combat ou une dispute contre des idiots, c’est d’être plus intelligent qu’eux?

Je comprends qu’on veuille à tout prix se débarrasser du gouvernement Harper. J’en suis encore moi-même à me demander pour qui je dois voter pour leur donner le moins de pouvoir possible. Je vois les résultats des sondages au Québec et je suis dépassée. Arriverons-nous à les remplacer au pouvoir? Je le souhaite. Mais la fin justifie-t-elle pour autant les moyens? Je n’arrive pas à penser comme ça. Je n’arrive pas à accepter de réduire, par de lourds clichés et de l’humour somme toute facile, la qualité d’un discours qui vole déjà assez bas. Non merci.

Il y a sûrement un meilleur moyen de convaincre les gens de la pertinence des revendications du milieu culturel, non? Être percutant ET pertinent TOUT en faisant passer un message qui n’est pas réducteur n’est pas chose facile, mais je crois que les artistes d’ici sont assez créatifs et débrouillards pour y arriver.

Media darling

I went to the pre-opening of the new Apple store in Montreal today with a very special assistant-reporter: my nephew Alexis.

PR people should always let reporters bring kids along with them. They make much more natural photography subjects than adults. As soon as he sat at the kids’ station, the photographers were all over him and he got to model for a few Montreal newspapers and Web sites. He thought it was a pretty cool thing to do for his 10th birthday, which is tomorrow.

Bonne fête Alexis!

(Un merci spécial à oncle M., même s’il ne s’est pas pointé ;-)