Instantanées #3

To celebrate the 10th blogging anniversary of ni vu ni connu, I’m trying out a new feature: Fictions Instantanées. These very short stories, delivered via text or video, are based on pictures taken by me (or this guy), often times via Instagram. The frequency of publishing has yet to be determined (which means that I’m not willing to commit to anything). It’s a way to give some life back to this blog, with which I’ve had a great ride in the last 10 years, but somewhat neglected in the last three (damn you, social networks). It’s also a way to get back in touch with a more free and spontaneous type of writing, something that screenwriting (my « day » job) doesn’t allow for.

I hope you enjoy it! And thanks to those of you who have kept on visiting this blog over the years. You’re awesome and you’re a lot of fun to have around.

I suggest watching this video in a bigger version (here) or in full screen mode. It looks better and it makes the dialogue on the screen easier to read. You can also click on the arrows at the bottom right of the video to make it larger.

I dreamed about you last night from Martine on Vimeo.

Instantanées #2

Note: Pour fêter son dixième anniversaire et pour justifier son existence, le blogue ni vu ni connu s’offre une nouveauté: des fictions instantanées. Inspirées par des photographies, la plupart du temps saisies par l’auteure de ce blogue, ces fictions seront publiées à une fréquence indéterminée (c’est à dire le plus souvent possible, mais on ne se fait pas d’illusion).

Homme dans un tunnel

«T’es pas tout seul, tu sais.»

Elle lui dit ça pour le rassurer, parce qu’elle le sent tendu. Il le sait, mais c’est plus fort que lui: la remarque sonne comme un reproche. Il se verse un autre verre de vin en tentant de se raisonner. Elle ne sait pas. Elle ne peut pas savoir. Il est toujours prudent. Il prend soin de justifier ses retards. Il enlève toujours la boue de ses chaussures avant de revenir à la maison. Et puis son travail est si intense! Il est constamment sollicité par ses collègues. Quand il rentre à la maison, on dirait que les enfants le font exprès et se chamaillent avec plus d’intensité. Leurs cris lui donnent mal à la tête. Il doit se retenir pour ne pas hurler plus fort qu’eux.

Ça lui a pris tout d’un coup, il y a quelques semaines. Il s’est levé de sa place à l’arrière du bus et a sonné pour demander l’arrêt. Le chauffeur, habitué de le voir descendre près de chez lui, l’a regardé s’éloigner d’un air confus.

Un petit détour de rien, une marche prolongée, un répit entre le travail et la maison. Les jours commençaient à être plus longs et c’était agréable de passer du temps au grand air. Le lendemain, il est descendu un arrêt plus tôt. Le surlendemain, ce fut un autre arrêt encore plus distant. Maintenant, plusieurs jours par semaine, il quitte le travail tôt, sans prévenir personne.

Le détour lui a fait découvrir un boisé dont il ne connaissait pas l’existence. Les sentiers étroits permettent de déambuler longtemps, à bonne distance des maisons de sa banlieue. Un grondement sourd provient de l’autoroute avoisinante, mais dans cet endroit, le son a une tonalité agréable. Quelque chose d’étouffé et d’enveloppant, comme s’il était au fond d’un lac. Dans le tunnel qui passe sous la rue, ça sent le métal, la bière et l’humidité. Des pistes de cerf et des traces de pas marquent la boue. T’es pas tout seul.

Il n’a pourtant encore croisé ni animal, ni humain.

Ça le réjouit.

Un jour, bientôt, il le sait; il ne rentrera pas à la maison.

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Instantanées #1

Note: Pour fêter son dixième anniversaire et pour justifier son existence, le blogue ni vu ni connu s’offre une nouveauté: des fictions instantanées. Inspirées par des photographies, la plupart du temps saisies par l’auteure de ce blogue à l’aide d’Instagram, ces fictions seront publiées à une fréquence encore indéterminée. (On ne le croirait pas après dix ans de dévouement envers ce blogue, mais l’auteure de ni vu ni connu souffre d’une peur maladive de l’engagement.)

man in a bus sleeping

Il venait de passer deux heures avec elle dans un café. Une heure quarante-neuf minutes, pour être plus exact. C’était plus de temps qu’il n’avait espéré obtenir d’elle, mais il n’arrivait pas à s’en réjouir. Elle était aussi belle et vive d’esprit qu’à leurs rencontres précédentes. Elle lui avait raconté en détail un différend avec son patron, réussissant comme d’habitude à se faire juste assez divertissante pour qu’il ne puisse lui reprocher de ne parler que d’elle-même. Ses yeux, comme ses mots, prenaient à peine le temps de se poser avant de reprendre leur envol. Il avait tenté de retenir son regard pendant quelques secondes. En vain. À la porte du café, leurs adieux avaient été abrégés par l’arrivée d’un taxi dans lequel elle s’était engouffrée en vitesse.

Le prochain bus vers Montréal ne partait pas avant une heure. Il avait marché d’un pas lent jusqu’à la gare. Le ciel de Québec s’était couvert, lui faisant regretter d’avoir oublié son foulard chez lui. Il n’y avait que quelques passagers dans le bus alors il avait pu s’asseoir seul. Vidé, il s’était endormi juste avant la traversée du pont, ratant ainsi son segment préféré de la route.

Il n’a pas rêvé à elle.

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