Révisionnisme

Il m’arrive souvent de me demander si ma vie aurait été fondamentalement différente si j’avais grandi avec l’accès à Internet (en assumant que mes parents auraient accepté de le payer, ce qui n’aurait pas été évident). Je me serais sortie de mon petit milieu plus rapidement ou du moins, j’aurais eu une meilleure conscience d’un autre monde, lointain peut-être, mais tout de même à ma portée, j’aurais été exposée à des projets créatifs qui m’auraient sûrement stimulée au-delà des programmes scolaires limités auxquels j’ai eu droit, j’aurais fait des contacts intéressants à un plus jeune âge… Aurais-je moins lu de livres? Aurais-je moins joué dehors? (Dans l’environnement urbain moche où j’ai grandi, ça n’aurait pas été une grosse perte.) Serais-je quelqu’un d’autre maintenant?

J’ai tendance à croire que oui. Et j’envie beaucoup les enfants d’aujourd’hui de grandir avec ces outils.

By Martine

Screenwriter / scénariste-conceptrice

8 comments

  1. J’aurais tendance à croire la même chose, moi aussi. Très bonne réflexion. On peut se considérer chanceuses d’être aujourd’hui bien inscrites dans cette mouvance, puisqu’il s’agit, selon moi, de l’outil par excellence pour évoluer au diapason de la société!

    Sans Internet, je sais pas, il me semble que je manquerais quelque chose…

  2. C’est vraiment une discussion qu’il serait intéressant d’avoir avec des gens de tous les milieux, mais moi, je ne suis pas convaincue. Mes enfants y ont accès et qu’est-ce que ça change vraiment ? Au lieu de passer des heures à chercher à la bibliothèque à sniffer des vieux livres pour dénicher une image ou à en lire plus parce qu’on a emprunter un livre juste pour une petite information, on trouve tout instantanément sur Internet. Mais est-ce vraiment plus agréable ? Je pourrais déblatérer longuement sur le sujet. Je suis recherchiste depuis 20 ans, alors évidemment ma façon de travailler à considérablement changé dans les dernières années mais je suis souvent nostalgique de toutes ces bibliothèques que je fréquentais qui me faisaient me rendre dans des endroits qui ont du vécu, une histoire, au lieu d’être isolée derrière mon écran d’ordi maintenant. Je me souviens des microfilm, ou encore des ces banques de données où je pouvais dénicher un vieil article de magazine.
    Et Martine, tu t’es justement sortie de ton milieu parce que tu voulais avoir accès à autre chose, un autre monde, tu es partie loin, mais si tu avais eu accès à Internet tu aurais peut-être trouvé que le monde derrière ton écran, enfermée dans ta chambre aurait été suffisant et tu ne serais pas devenue ce que tu est devenue.
    En tout cas, si quelqu’un veut organiser une soirée forum de discussion, je parle en vrai et non en chat, je suis partante. Je vois certe beaucoup d’avantages à Internet mais j’y vois aussi énormément de côtés négatifs !!! Et je suis persuadée que j’ai de plus beau souvenirs d’enfance à avoir joué au détective avec ma vieille bécane, à avoir monté des pièces de théâtre dans ma cour ou à avoir construit des maisons d’horreur que d’avoir été au clavier à chatter comme les jeunes filles le font aujourd’hui. Et c’est sans parler des sites de rencontres souvent pathétiques.
    Bon je m’arrête là…ha juste avant, je ne voudrais pas que tu sois différentes et tu ne devrais pas envier les enfants d’aujour’hui, vraiment pas !!!

  3. Il y a aussi, malheureusement, l’envers de la médaille.

    L’hyper-accessibilité a l’information peut mener a une espèce de ‘consommation accelerée’ de cette information, un peu comme le zapping.

    Je vois le phénomène avec ma petite soeur et, malgré mes efforts, je ne suis pas le rythme. Elle voit tout, partout mais ne retient que peut de chose.

    C’est de la culture stroboscopique…

  4. De là le rôle ultra important des parents, qui doivent apprendre un tas de trucs à fiston et fifille. C’est à s’en arracher les cheveux parfois: non tu ne peux pas télécharge ce trucmuche avant que je vérifie ci et ça, et voici pourquoi et comment, non tu ne peux pas te fier à tout et à n’importe quoi, voici pourquoi et comment savoir si la source est fiable. La liste est très, très longue! Et je plains les parents qui courent derrière leur petit, ne sachant pas se retrouver en ligne! Pour nous, Internet (et les nouvelles technologies en général, entendre « celles qui n’existaient pas quand nous étions petits ») ajoute tout un volet à l’éducation qu’on veut lui donner, et nous force à bien comprendre les choses pour les expliquer à sa mesure. Il a déjà, depuis longtemps, l’instinct de dire que la réponse à sa question sera « réponseàmaquestion.com » (il nous en sort des belles!).

    L’importance des parents joue aussi sur la durée de l’utilisation. Rester collé devant un écran toute la journée? No way! Petit Coco passe des journées entières à la bibliothèque, joue dehors jusqu’à plus soif, et pourtant il a Internet dans sa chambre. Suffit de les aider à doser leurs priorités. Jamais Petit Coco ne dirait « ah non, pas aller à la piscine encooore! je veux jouer sur BattleOn! » Jamais je ne le laisse planté devant la télé pendant plusieurs heures (je lui dis alors que je peux sentir son cerveau qui pourrit… désolée pour les scénaristes de télé – lol!), alors pourquoi devant un écran?

    Par contre, l’utilité est réelle pour tous. J’ai une idée, mais je ne sais pas comment la réaliser. J’ai trois ingrédients, je veux une recette. Facile! Je ne pourrais plus m’en passer (pour le travail c’est évident, mais sur le plan personnel… aussi!). Petit Coco le pourrait aisément: il a accès à presque trois mille bouquins ici, et plein de jeux sur son ordi. Ce qui m’inquiète, c’est davantage l’utilisation mal supervisée qui se fait à l’école, où sa prof lui a dit d’utiliser wikipédia pour ses recherches… sans autre avertissement. Le pauvre, m’ayant dit ça, a dû endurer bien des explications sur la valeur des informations et sur la vérification de faits!

  5. C’est toujours fascinant d’imaginer comment notre vie a pu être affectée par tel ou tel évenement ou circonstance. Je me suis souvent posé ces questions concernant la vie de famille que j’ai eu, qui est a des années lumières de celle que j’offre à mes enfants. Et je pense que c’est justement ce passé là qui m’a poussé à faire quelque chose de complètement différent. Qui m’a donné cette soif de la vie de famille unie.

    Peut-être que si tu avais eu internet en grandissant, tu aurais vite été blasée, peut-être que tu serais restée en surface au lieu de te servir des outils qu’il offre…? Les contraintes que tu as vécu sont peut-être la source même de ta créativité actuelle?

    Je crois que parfois, c’est le manque qui pousse au dépassement. Car il ouvre nos yeux sur ce que nous désirons vraiment.

  6. «J’envie beaucoup les enfants d’aujourd’hui de grandir avec ces outils.»

    Voilà une bonne chose, il me semble. Les enfants ont besoin que les adultes envient un peu de leur monde. Nous oublions souvent que pour eux, nous sommes souvent trop grands, trop bons, tellement inaccessibles et surtout, qu’il y ait peu de chance qu’un jour, ils réussissent aussi bien que nous. Mettons que nous nous employons à mettre la barre pas mal haute, merci. Rarement on cause de nos difficultés à leur âge, de nos peurs ou de toutes les fois où nous avons hésité et fait de mauvais choix. À nous entendre râler, les jeunes en viennent à penser que notre chemin est une longue ligne droite sans détour ;-)

    En classe avec des jeunes de dix ans voilà deux semaines, l’enseignante m’a demandé si j’acceptais de répondre à des questions «pas trop rapport» venant des enfants qui étaient intrigués de mon parcours. Je me suis empressé d’accepter. La première question: «Quand vous aviez notre âge Monsieur, combien d’heures par jour vous étiez à l’ordi?»

    Intéressant point de vue de ces natifs du numérique pour qui il est inimaginable qu’Internet n’ait pas toujours existé… Je me souviens d’avoir pensé la même chose quand j’étais jeune vis-à-vis la télévision.

    Je termine ce commentaire en disant comme plusieurs qu’il nous faudrait échanger plus souvent sur ce sujet. La perspective n’étant pas tellement d’imaginer comment nos vies auraient pu s’avérer différentes (je fais l’hypothèse que la destination serait probablement la même, mais l’itinéraire lui, aurait été différent), mais comment nous pourrions mieux voir comme nos enfants voient, eux, de leurs lunettes. Comme le mentionne «vieux bandit», notre rôle est «d’apprendre un tas de trucs à fiston et fifille», mais aussi de l’aider à apprivoiser tous ces outils qui peuvent grandement contribuer à le construire. Quelle belle époque où notre expérience de la vie nous procure un avantage certain, mais où nous pouvons aussi apprendre de ceux qui nous voient grands. Quand ils réalisent qu’on n’a pas tout inventé et qu’il reste un espace pour eux, ils grandissent bien mieux sans avoir besoin de nous taper sur la tête pour faire leur place…

  7. Je passe régulièrement vous lire…J’aime votre écriture simple et intelligente…J’imagine que de lire un commentaire positif de temps à autre d’un lecteur anonyme fait du bien…alors c’était mon 30 secondes de quotidien de « donnez au suivant »…

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