Difficile de le croire, mais la jolie blonde apeur�e qui tient avec beaucoup de difficult� ce b�b� hurlant a aujourd’hui 40 ans.
Le b�b� qui ne tient pas en place, c’est moi, et la jolie blonde qui tente de m’�viter une chute douloureuse, c’est ma grande soeur, Maryse. Nous sommes les deux derni�res d’une famille de quatre enfants. Mes parents se sont mari�s en 1949 et neuf mois plus tard, � l’�ge de vingt ans, ma m�re accouchait de mon fr�re Pierre. Deux ans plus tard, en 1952, ma soeur C�line se pointait, pour emmerder un peu mon fr�re. Mes parents, leurs deux enfants et mes grands-parents maternels, vivaient dans un cinq et demi dans la basse-ville de Qu�bec, juste au-dessus d’une �picerie (l’�picerie Poulin, coin B�dard et avenue Parent, pour ceux qui connaissent).
En 1963, neuf mois apr�s la mort de notre dernier grand-parent, ma soeur Maryse naissait. Le folklore familial raconte que mes parents, enfin « seuls » dans leur petit appartement, vivaient alors une seconde lune de miel, et ce beau b�b� blond �tait le fruit de leur rapprochement. Un peu moins de quatre ans plus tard, j’arrivais dans le portrait pour leur enlever encore un peu d’espace.
Mais ce n’�tait pas bien grave. Ma soeur Maryse et moi �tions comme un seul enfant et prenions ainsi tr�s peu de place. Partout o� elle allait je la suivais, l’emmerdant ainsi jusqu’� l’adolescence, mais sans vraiment l’entendre se plaindre de ma pr�sence. J’�tais aussi brune qu’elle �tait blonde et ma peau basan�e �tait un tel contraste avec son teint de lait que tout le monde y allait de son petit commentaire. Elle �tait une des plus grandes de sa classe et moi la plus petite. Deux soeurs on ne peut plus diff�rentes mais qu’on ne pouvait s�parer. Elle me tol�rait, me prot�geait, m’encourageait mais elle me torturait aussi, me faisant croire � plusieurs reprises qu’elle �tait atteinte d’une maladie mortelle mais que personne dans la famille sauf elle n’osait m’en parler. Je pleurais silencieusement dans mon lit, juste � c�t� du sien, ne pouvant imaginer ma vie sans elle.
Nous avons pourtant �t� s�par�es pendant huit ans, alors que je suis partie vivre � San Francisco. Huit ann�es de correspondances et de coups de fil pendant lesquels elle a tent� � plusieurs reprises de me convaincre de revenir. Puis en 1996 notre m�re est d�c�d�e subitement, alors que Maryse allait accoucher dans quelques jours de son premier enfant. J’ai pris le premier avion au petit matin pour rejoindre ma famille � Qu�bec. Au t�l�phone avec Maryse rest�e � Montr�al (elle pouvait accoucher d’une minute � l’autre), j’ai d�crit dans leurs moindres d�tails les fun�railles de notre m�re, lui permettant ainsi d’�tre l� elle aussi. Puis je suis all�e la rejoindre � Montr�al pour la naissance de mon neveu, un accouchement difficile qui a prolong� son s�jour � l’h�pital. Le retour en Californie fut particuli�rement p�nible cette fois-l�. Mais qu’est-ce que je faisais si loin des miens, si loin d’elle?
Deux ans plus tard, alors qu’elle �tait enceinte de son deuxi�me fils, je d�cidais de rentrer au pays.
Personne ne partage notre vie comme une soeur ou un fr�re proche. Pas m�me un parent, pas m�me un conjoint ou un meilleur ami. Quand je l’entends parler et que je reconnais ma propre voix, quand je la regarde et que sa bouche se courbe exactement de la m�me mani�re que la mienne, je suis fascin�e. Fascin�e et �merveill�e � la fois par ces g�nes que nous partageons, par cette affection qui bouge et prend de multiples formes, par ce profond attachement que je ne saurai jamais parfaitement saisir dans toute sa complexit�. Ma soeur, ma gardienne, mon miroir aussi. Mon amie.
Bonne f�te, Maryzou! C’est � mon tour de te faire brailler!